Une collection de près d’une centaine de reproductions d’images de la Tunisie au 19e siècle, témoins des multiples changements opérés dans plusieurs sites et monuments au fil de l’histoire du pays, a fait escale au Musée national du Bardo dans le cadre d’une exposition temporaire «Tunez en Sepia».
Fruit d’une collaboration entre la Tunisie et l’Espagne, cette exposition, qui offre à voir le regard porté sur la Tunisie par des photographes européens du 19e siècle à travers des reproductions de leurs clichés, s’étalera sur six mois (décembre 2023 – mai 2024). Ces photographies nous plongent dans un voyage à travers le temps pour découvrir des paysages, d’anciennes vues de villes, des habitations traditionnelles, des souks, des patios intérieurs… Autant de lieux chargés d’histoire et de mémoire qui ont bien changé de nos jours ou tout simplement disparu.
Qu’elles soient attribuées à des photographes connus ou méconnus, les photos en sépia, réalisées sur papier albuminé — période d’usage de la technique albumine 1855-1895 — et portant notamment sur des monuments et ruines archéologiques, de la préhistoire à l’époque byzantine, d’autres de l’époque médiévale et moderne, d’architecture défensive ou religieuse, «sont d’un grand intérêt documentaire sur un pan de l’histoire de la Tunisie mais aussi de la photographie» a souligné l’ambassadeur d’Espagne en Tunisie-Javier Puig Saura.
Lors d’une visite destinée aux médias et réhaussée par la présence du conseiller culturel, Ramon de Abadal, et de la directrice du musée du Bardo, Fatma Nait Yghil, le diplomate espagnol a tenu à souligner que «cette exposition exceptionnelle est significative sur le plan documentaire, historique, culturel et artistique dès lors qu’elle donne à découvrir ce qui était à la mode à cette époque, soit la photographie orientaliste».
Rétrospective vers le passé
Ainsi, 130 ans plus tard, «nous sommes ravis aujourd’hui qu’une partie de ce fonds photographique provenant du musée archéologique national d’Espagne à Madrid fasse un retour en Tunisie dans le cadre de la coopération bilatérale illustrant cette histoire commune qui nous lie de chaque côté de la Méditerranée», a-t-il indiqué, tout en rappelant qu’il s’agit d’une sélection de reproductions de photographies que le Bey de la Tunisie (Ali III Ibn al-Hussayn) avait offertes au musée archéologique national d’Espagne suite à la participation à l’exposition historique européenne tenue à Madrid en ce même édifice durant la période 1892-1893.
Ces archives photographiques portant un regard au pluriel sont aussi une invitation à découvrir autrement la richesse des villes portuaires tunisiennes de la côte comme Tabarka ou Sousse, aux localités du désert, comme Matmata ou encore des sites préhistorique et des fouilles d’époques carthaginoise et byzantine, outre des monuments et des villes qui mettent en valeur la splendeur de l’empire romain, la grandeur des mausolées royaux ou la magnificence des constructions défensives et religieuses de l’époque médiévale et moderne durant la domination des dynasties arabes, la conquête de Charles Quint et l’époque de l’hégémonie ottomane.
A travers la restitution également des scènes de vie, de marchés ou de rues, l’exposition dont la scénographie repose sur un agencement thématique et chronologique structuré, propose une sorte d’album sur la Tunisie du 19e siècle. Par leur étendue chronologique et culturelle, les photos exposées constituent une mine d’informations visuelles sur l’évolution de certains sites d’un temps révolu mais qui révèlent des atmosphères spectaculaires qui ont changé progressivement avec le temps. Ces photos, dont la totalité sont des copies sur papier albuminé, donnent en outre une vision assez diversifiée sur le passé archéologique comme à titre d’exemple la photo sur les tombes découvertes suite aux fouilles du père Delattre et les ports puniques de la Colline de Byrsa (1880).
Se dressant comme une fresque prestigieuse d’une époque au passé simple, l’exposition est assez singulière puisqu’elle montre aussi l’extraordinaire diversité de la Tunisie telle que capturée par le prisme des photographes de maisons photographiques célèbres ou des photographes anonymes qui ont vécu ou se sont installés dans le pays au moment du protectorat.
Parmi les pièces maîtresses de cette collection figurent des images prises des deux grands musées : l’ancien musée Alaoui (l’actuel Musée Bardo) et le musée Saint-Louis (musée de Carthage) qui constituent un témoignage historique exceptionnel où l’on montre des installations muséographiques qui ont disparu de nos jours, outre les préférences et les modes en matière de présentation des objets archéologiques.
Un nouveau bijou dans l’écrin du Musée
Datées entre 1880-1882, plusieurs photos comme celles des vues panoramiques de l’intérieur de l’amphithéâtre romain d’El Jem, des stèles et autres objets puniques du musée Saint Louis, de la plaine de Salammbô et des anciens ports militaires et commerciaux avec leur structures circulaires et rectangulaires, ne sont pas signées. Seules quelques images sont attribuées à deux noms français: «Neurdein Frères» et «J. Garrigues», spécialisés dans la réalisation de séries de monuments et d’objets de musées en diffusant dans bien des cas l’image romantique et exotique de certains pays d’Afrique du nord, devenus à la mode grâce aux voyageurs du Grand Tour.
A titre d’exemple, l’image prise sur les édifices religieux comme le minaret et la mosquée de Youssouf Dey, ou encore des scènes de marché autour de la mosquée Sidi Mehrez, sont attribuées à la maison «Neurdein Frères», connue par ses œuvres en format carte-album ayant été, en quelque sorte, l’ancêtre de la carte postale. D’autres sont signées par le photographe français, installé à Tunis, J. Garrigues qui avait le titre de photographe officiel du bey.
Invitant aussi à saisir l’opportunité de ce regard pour fouiller encore plus sur les auteurs de cette mémoire plurielle teintée d’orientalisme, l’exposition, a relevé la directrice du musée, est «la deuxième action de coopération en quelques mois après une formation théorique assurée par deux expertes espagnoles en restauration et conservation des biens culturels au profit d’une trentaine d’experts entre archéologues, architectes, ingénieurs, conservateurs et techniciens de l’INP (Institut national du patrimoine) et de l’Amvppc (Agence de mise en valeur du patrimoine et de la promotion culturelle) dans le cadre de la restauration de la charpente en bois à la salle de Carthage du Musée national du Bardo».
Cette exposition, a-t-elle ajouté, qui se tient parallèlement à une autre «Tunez en Sepia» à Madrid depuis le mois d’octobre dernier et qui se poursuit jusqu’au 14 janvier 2024, est «un précieux acquis pour le musée du Bardo puisque tout ce fonds va rester dans le musée et enrichir ainsi ses collections» se félicitant à cet égard de «cette profonde coopération entre les deux musées illustrant encore une fois la solidité des relations entre les deux pays».
A Tunis ou à Madrid, le voyage photographique «Tunez en Sepia» offre non seulement une rétrospective vers le passé mais aussi l’opportunité de la transmission de la flamme du souvenir des différentes facettes de la Tunisie du 19e siècle, où les reliques d’un passé et les traces des passeurs de mémoire seront soigneusement conservées comme un nouveau bijou dans l’écrin du Musée national du Bardo.
(TAP, par Sarra Belguith)
Jugurtha
21 décembre 2023 à 02:14
Les dynasties de l’époque musulmane ayant régi l’Ifriqya étaient autochtones, c’est à dire Amazighes et non pad Arabes. Relisez l’Histoire!!